Le tour du monde du roi Zibeline


Jean-Christophe Rufin





4e de couverture :
— Mes amis, s’écria Benjamin Franklin, permettez-moi de dire que, pour le moment, votre affaire est strictement incompréhensible.
— Nous ne demandons qu’à vous l’expliquer, dit Auguste. Et d’ailleurs nous avons traversé l’Atlantique pour cela.
— Eh bien, allez-y.
— C’est que c’est une longue histoire.
— Une très longue histoire, renchérit Aphanasie, sa jeune épouse que Franklin ne quittait pas des yeux.
— Elle traverse de nombreux pays, elle met en scène des drames et des passions violentes, elle se déroule chez des peuples lointains dont les cultures et les langues sont différentes de tout ce qu’on connaît en Europe…
— Qu’à cela ne tienne ! Au contraire, vous mettez mon intérêt à son comble…


Comment un jeune noble né en Europe centrale, contemporain de Voltaire et de Casanova, va se retrouver en Sibérie puis en Chine, pour devenir finalement roi de Madagascar… Sous la plume de Jean-Christophe Rufin, cette histoire authentique prend l’ampleur et le charme d’un conte oriental, comme le XVIIIe siècle les aimait tant.


L’auteur :
Jean-Christophe Rufin est né le 28 juin 1952, à Bourges. Médecin, historien, diplomate et écrivain, il a été élu à l’Académie française en 2008. Sa carrière médicale commencée en 1976 se prolongera vers l’humanitaire avec Médecins sans frontières, dont il sera l’un des pionniers, après sa rencontre avec Bernard Kouchner et Claude Malhuret. Après avoir occupé de nombreux postes au sein de différentes ONG, il quittera ses fonctions en 2006 pour se consacrer à l’écriture. Il est toujours président d’honneur d’Action contre la faim.
Dans le même temps, il participera à plusieurs missions diplomatiques, sous divers gouvernements. En 2007, il est nommé ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie.
Entre sa carrière médicale et ses missions politiques, il trouve encore le temps d’écrire, notamment des essais, comme le piège humanitaire (1986) qui interroge sur le rôle des ONG dans les situations de conflit, thème qu’il reprendra dans son troisième roman les causes perdues, en 1999.
Jean-Christophe Rufin a reçu de nombreux prix littéraires, dont le Goncourt du premier roman, en 1997, pour L’Abyssin, ou le Goncourt 2001 et le Grand prix de l’académie de marine pour Rouge Brésil.


Mon avis :
Le tour du monde du roi Zibeline est le genre de livre qui a la faculté, dès les premières lignes, de m’accrocher un sourire de satisfaction sur le visage. L’apparente simplicité de l’écriture ne souligne que mieux la qualité d’un texte peaufiné jusqu’aux moindres détails. Tout est à sa place, ajusté avec rigueur et précision. Dans le monde de l’automobile : les plus grands carrossiers l’ont bien compris, si la perfection est dans le détail, l’élégance a besoin de sobriété et d’harmonie. C’est grâce à cette évidence que provoque la pureté de leurs lignes que certains modèles sont devenus éternels, hors des modes et des tendances. Cette même alchimie irrigue la plume de Jean-Christophe Rufin, qui fait que l’on reconnaît au premier coup d’œil la création d’un maître-artisan.
Comme il est dit dans le résumé, le roi Zibeline n’est pas un personnage de fiction, mais un aventurier bien réel doublé d’un homme cultivé, né dans la noblesse hongroise du XVIIIe siècle. Maurice Auguste Aladar Beniowski, de son vrai nom, a déjà inspiré plusieurs écrivains, principalement au XIXe et début XXe siècle. Sa vie était connue puisqu’il avait lui-même écrit ses Voyages et ses Mémoires, en français, édités à Paris en 1791. On en trouve d’ailleurs une édition moderne, sous le titre « Mémoires et voyages » (784 pages), parue aux éditions Phébus en 2010. Jean-Christophe Rufin, comme ses prédécesseurs, disposait donc du matériau pour bâtir son récit.
N’ayant pas lu les œuvres des autres auteurs, je me garderais de faire une comparaison, d’autant que celle-ci serait certainement difficile étant donné l’usage très différent qu’il a été fait du personnage : Juliusz Slowaski en a fait le héros d’un poème, Kotzebue le met en scène dans un drame, Louise Muhlbach dans l’un de ses romans, Alexandre Duval en fait un opéra comique et Prosper Cultru en a écrit la biographie. Le livre de Rufin est également une biographie, mais romancée, et construite avec une mise en abyme, puisque c’est Beniowski et sa compagne, les héros du roman, qui racontent leur propre histoire. Le récit tient donc à la fois du huis clos (tout se passe dans la même pièce, dans l’appartement de Benjamin Franklin) et du roman d’aventures, tant la narration du couple nous fait voyager dans différentes parties du monde. Les changements de voix permettent éventuellement au lecteur de souffler, à l’instar de ce pauvre Franklin vieillissant et mal en point, mais surtout à l’auteur d’explorer différentes facettes du roi Zibeline, car, si l’on connaît bien ses faits et gestes, Beniowski, dans ses écrits, a peu livré de lui-même. Pour ainsi dire, le squelette existait, il restait à y mettre de la chair. Et c’est cela que Jean-Christophe Rufin a merveilleusement accompli.
Le tour du monde du roi Zibeline ne peut que séduire le lecteur, d’abord par sa qualité littéraire, ensuite parce que ce récit est aussi captivant qu’édifiant et qu’il s’adresse autant aux férus d’histoires qu’aux amateurs d’aventures.

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