Le liseur du 6 h 27


Jean-Paul Didierlaurent





4e de couverture :
« Peu importait le fond pour Guylain. Seul l’acte de lire revêtait de l’importance à ses yeux. Il débitait les textes avec une même application acharnée. Et à chaque fois, la magie opérait. Les mots en quittant ses lèvres emportaient avec eux un peu de cet écœurement qui l’étouffait à l’approche de l’usine. »
Employé discret, Guylain Vignolles travaille au pilon, au service d’une redoutable broyeuse de livres invendus, la Zerstar 500. Il mène une existence maussade mais chaque matin en allant travailler, il lit aux passagers de RER de 6 h 27 les feuillets sauvés de la veille des dents de fer de la machine.
Dans des décors familiers transformés par la magie de personnages hauts en couleurs, voici un magnifique conte moderne, drôle, poétique et généreux : un de ces livres qu’on rencontre rarement.


L’auteur :
Jean-Paul Didierlaurent est né le 2 mars 1962 dans les Vosges, où il vit toujours. Il suit des études de publicité à Nancy, puis part travailler à Paris, mais revient très vite dans sa région natale.
En 1997, il a l’idée de participer à des concours de nouvelles ; il remporte le Prix International Hemingway en 2010 pour Brume, puis en 2012 pour Mosquito. Il écrit des nouvelles pendant quinze ans avant de publier son premier roman, Le liseur du 6 h 27.
Ce titre, paru en 2014, fait immédiatement sensation et a été couronné de nombreux prix. Déjà vendu à plus de 250 000 exemplaires, il est maintenant traduit dans 29 pays et une adaptation cinématographique est en cours d’achèvement.
En mai 2016, les éditions Au Diable Vauvert ont fait paraître son deuxième roman : Le reste de leur vie.


Mon avis :
Dans Le liseur du 6 h 27, le personnage central se décrit lui-même comme un être sans relief et mène une vie morne. Le seul point qui le différencie de ces contemporains, c’est son l’habitude de lire dans le RER qui l’emmène à son travail, à voix haute, des pages de romans sauvées du pilon. En réalité, c’est un peu tout le roman qui est « sans relief » !
J’ai poussé un peu mes recherches, et il s’avère qui si ce livre a rencontré un tel succès, c’est d’une part grâce au travail de sa maison d’édition (ou de l’attaché de presse) qui a réussi à installer une rumeur avant même sa parution, et d’autre part parce que cette même maison d’édition a su surfer sur le vague de ces livres dit « feel-good ».
Dans cette catégorie (et pour donner une meilleure idée de quoi l’on parle), on trouve les romans d’Agnès Martin-Lugand, de Katherine Pancol ou d’Anna Gavalda, pour ne citer que des Françaises (il y en a d’autres !), mais aussi des livres comme « La petite boulangerie du bout du monde » ou « L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea » ou « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates ». D’une certaine manière, on pourrait aussi dire que Le petit prince de Saint-Exupéry fait partie de cette catégorie. Bref, on y trouve un peu de tout, du meilleur comme du moins bon. Le principal, semblerait-il, n’est pas dans la qualité littéraire, mais dans le sentiment qu’on en retire.
Pour cela, la recette est un peu toujours la même : prenez un personnage (homme ou femme, mais plus souvent femme, cette littérature s’adressant plus à un lectorat féminin), donnez-lui une existence banale (la ménagère de moins de cinquante ans doit pouvoir s’identifier immédiatement) mais contraignante, ce qui peut aller du petit souci quotidien (couple en perdition, enfants ingrats et/ou insupportables, travail non choisi qu’il voudrait fuir, ou au contraire manque de travail…) aux problèmes plus graves (conjoint alcoolique et/ou violent, solitude, maladie, deuil…), et faites de votre héros ou héroïne un gagnant plein de ressources que va trouver la voie du bonheur…
Il n’est pas exagéré de dire que les auteurs de romans feel-good sont les champions de « l’enfonçage de portes ouvertes ». Ils répètent à l’envie les vieilles formules du genre : « quand on veut, on peut… », « le bonheur est à la portée de tous… », « il faut voir le verre à moitié plein plutôt qu’a moitié vide… », et s’il vous en vient d’autres, n’hésitez pas à les ajouter à la liste !
Et la recette fonctionne à merveille, alors pourquoi s’en priver ?
Le livre de Jean-Paul Didierlaurent est de cette veine. Pas vraiment mal écrit (encore que deux ou trois tournures auraient mérité, selon moi, une petite retouche), mais sans réelle envergure. Il commence des choses qui pourraient amener vers des territoires inexplorés, mais ne s’y aventure pas à fond et nous laisse sur notre faim. L’histoire qui est censée être l’ossature de ce roman (la partie « feel-good ») ne commence qu’à mi-parcours, mais offre peut-être les passages les plus intéressants, à travers les écrits d’une dame-pipi. Mais là encore, ce n’est peut-être pas assez exploité, tout comme les autres personnages ; certains sont pourtant pleins de promesses littéraires, mais aucune n’est tenue et on se retrouve toujours à tourner autour du petit nombril de Guylain Vignolles, comme Rouget de Lisle, son poisson rouge, dans son bocal. Et comme il n’a finalement que peu d’intérêt, ce nombril, on l’oublie très vite, comme l’ensemble de ce livre.
Alors oui, si vous avez besoin qu’on vous montre un peu de positif, dans ce monde de brutes, et que vous n’êtes pas trop exigeant sur la qualité littéraire, ce petit livre (200 pages, environ) vous donnera sans doute le sourire. Mais j’ai quand même un peu l’impression qu’à de rares exceptions, ce genre de bouquins, c’est un peu l’équivalent du placebo en médecine…

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